Axe 2 - Mondes du travail et mondes privés

Coordination de l'axe 2 : José Calderon, Mathilde Guergoat-Larivière

Coordination du séminaire de l'axe 2 : José Calderon, Mathilde Guergoat-Larivière

Cet axe analyse les rapports sociaux et les relations sociales au travail, dans la famille et dans la sphère privée d’une manière plus générale, en mettant l’accent sur les interdépendances de ces sphères.

La problématique des recherches menées s’appuie sur deux points distincts :

  • une perspective délibérément empirique attentive aux relations sociales est adoptée. En effet, les recherches centrées sur les « mondes sociaux », offrent des opportunités pour mieux appréhender les processus collectifs et les transformations sociales dans leur complexité. La notion de « monde » permet de souligner, d’une part, la stabilité de l’organisation d’un certain nombre de « structures d’activité collective » et, d’autre part, la dynamique de segmentation et de reconfiguration des frontières entre mondes, résultant de rapports de force entre acteurs collectifs,
  • une analyse – en termes de rapports sociaux (de classe, de genre et de générations notamment) au sein de ces mondes et entre eux – est associée. Chacun de ces mondes est traversé par des dynamiques d’appropriation du travail d’autrui et par des dynamiques de valorisation des ressources matérielles et symboliques des individus et des groupes sociaux. Ces dynamiques construisent de façon complexe des processus de séparation et de hiérarchisation, et reproduisent de manière toujours renouvelée, et souvent redoublée d’un monde à l’autre, les inégalités sociales

L’axe envisage ainsi des mondes sociaux traversés par des logiques et des temporalités propres, requérant une analyse à la fois interactionniste et structurale. En ce sens, il s’agit d’approfondir l’analyse de chacun de ces mondes sociaux et de leurs articulations en considérant les frontières entre ces mondes comme « poreuses ».

Le travail est appréhendé comme une catégorie fondamentale, à la fois en pratique et pour l’analyse, afin de penser plus largement la production et la reproduction de la vie sociale. La reconfiguration des formes de contrôle – d’autonomie, de dépendance et de domination – dans ces différentes sphères constitue le fil directeur de l’analyse.
L’axe s’inscrit ainsi dans une problématisation issue de la sociologie et de l’anthropologie du travail, de la famille, de la santé, de l’immigration, de l’éducation. Il intègre également la démographie par l’analyse de trajectoires de vie selon les contextes politiques et socio-économiques. Les cadres théoriques multiples de l’économie du travail et de l’économie des ressources humaines sont aussi mobilisés en intégrant les apports de la gestion des ressources humaines et de la sociologie de l’emploi autour des modes de gestion de la main-d’œuvre, qui sont ainsi analysés comme le résultat de dynamiques de segmentation fine des marchés du travail, comme celui d’interactions stratégiques ou de systèmes d’incitation.

L’analyse des mondes du travail et celle des mondes privés exigent par ailleurs une ouverture méthodologique pour rendre compte des propriétés spécifiques de chacun des mondes, mais aussi dépasser les effets de cloisonnement entre ceux-ci, afin de saisir les agents sociaux dans leur pluralité de statuts, à la fois comme travailleur, membre d’une famille, adhérent d’une association, patient, etc. Ce projet suppose de mettre en œuvre des méthodes qui ne bornent pas le travail d’enquête à l’analyse d’un seul rôle quand les individus endossent indifféremment ces rôles à travers le temps. Les travaux des chercheurs impliqués sont réunis par leur forte dimension empirique. Celle-ci s’appuie sur des méthodes variées, parfois croisées : entretiens, observations directes, analyse d’archives, production et analyse de données quantitatives de sources variées (enquêtes publiques, données d’entreprise, données administratives, etc.), analyses de réseaux sociaux, économétrie. Ces méthodologies recoupent aussi les disciplines présentes dans cet axe

Actualités

10:00 - 12:30

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Membres de l'axe

  • BORY    Anne
  • BUSTREEL    Anne
  • CALDERON    José
  • CART    Benoït
  • CISSOKHO Sidy
  • DE LARQUIER    Guillemette
  • DEBUCHY Delphine
  • DELSART    Virginie
  • DEVETTER    François-Xavier
  • DITER Kevin
  • EL BOUJJOUFI    Taïeb
  • ELOIRE    Fabien
  • GUERGOAT-LARIVIERE Mathlide
  • HUVER    Benjamin
  • JAKUBOWSKI    Sébastien
  • LEMARCHANT    Clotilde
  • LÉNÉ    Alexandre
  • MARQUET    Lucy
  • MAZADE    Olivier
  • MONFROY    Brigitte
  • MORTAIN    Blandine
  • MULLER    Séverin
  • NIRELLO Laura
  • OLIVIER Alice
  • PERNOD-LEMATTRE    Martine
  • PETIT    Héloïse
  • RICHARD    Sébastien
  • ROUSSEL    Mélanie
  • SCHOTTE    Manuel
  • TALIN    Christophe
  • TOMKINSON John
  • TOUTIN-TRELCAT    Marie-Hélène
  • VERDIÈRE    Juliette
  • VIGNAL    Cécile
  • XING-BONGIONNI Jingyue
  • AZNAR ERASUN Jaime
  • BABINSKA Klara
  • BARZUN Céline
  • BONNET Baptiste
  • BOURGEADE Julien
  • COURTY Nathalien
  • DUCATILLION Angèle
  • FERRARA Mélanie
  • FOUQUET Clément
  • GIRARD Hector
  • GUERILLOT Alexandre
  • HADJIMANOLIS Gwladys
  • HAMMAR Hicham
  • LANSEMAN Oriane
  • LESPORT Luca
  • MARCOS Rémi
  • MASSEI Elsa
  • MOUREAU Quentin
  • OLCZAK Antoine
  • PETITJEAN Clémentine
  • SEEWALD Marie-Joséphine
  • TRIPLET Lisa
  • VALLEDOR Eugénie
  • WANNOUS Ouban

Déclinaisons thématiques

 Les recherches menées dans cet axe s’orientent autour de trois thèmes fédérant les chercheurs.

Le monde du travail et de l’emploi se caractérise par l’individualisation du rapport salarial, la précarité au travail et le poids des formes d’emplois comme le temps partiel subi, les Contrats à durée déterminée, l’intérim, les emplois aidés, la segmentation des horaires de travail, l’auto-entreprenariat, les nouvelles formes de travail indépendant, etc. Il s’agit donc d’examiner les conséquences de ces formes de travail dites « atypiques ». Ces formes de salariat précaire ont des répercussions sur la vie des personnes. Aujourd’hui la fragilisation de la norme familiale fordienne, en parallèle du désengagement de l’État social, viennent ainsi se répercuter de manière négative sur les conditions de vie au travail des salariés, et notamment des plus déqualifiés d’entre eux.

Pour autant, ces salariés du « précariat » développent des capacités d’actions collectives et individuelles. L’intensification du travail professionnel et la flexibilisation temporelle de la norme salariale, ne sont aujourd’hui soutenables – en termes d’équilibre psychophysique des salariés – que par l’existence d’un travail de care réalisé au sein de la famille.

Les modes de gestion de la main-d’œuvre ainsi que les relations employeurs-employés jouent un rôle central dans la définition des conditions de vie et de travail des salariés. Les politiques d’entreprise, mais aussi les politiques publiques de l’emploi et de la formation, contraignent les comportements des salariés et sont également influencées par ces derniers. Il s’agira donc aussi de comprendre les transformations des stratégies de ressources humaines et leurs effets sur les comportements individuels au travail et à l’égard du travail. En particulier, les politiques menées (ou non) par les entreprises (politiques de fidélisation de la main-d’œuvre, d’incitation à l’effort, d’égalité ou d’articulation vie familiale-vie professionnelle, de formation) interagissent avec les comportements des salariés mais de manière différenciée selon le genre, l’âge, le niveau de qualification. De ce point de vue, l’étude des carrières des jeunes femmes cadres croisent les différentes dimensions structurant les modes de gestions de la main d’œuvre.

Ainsi, la manière dont l’entreprise organise l’accès au travail salarié, par des canaux de recrutement formels ou des réseaux relationnels, implique pour le salarié, la mobilité et la possibilité de s’affranchir des contraintes de sa vie privée. A ce titre, les intermédiaires (institutionnels ou non) entre salariés et entreprises facilitent ou durcissent les relations entre mondes du travail et mondes privés. De même, les possibilités d’aménagement du temps de travail, la souplesse des horaires, sont des thématiques nécessaires pour rendre compte des liens entre ces deux sphères de la vie sociale. Montrer les différences d’accès à ces aménagements permet de rendre compte des inégalités au sein du travail salarié, selon la nature de l’entreprise (auto-entrepreneur, indépendant, salarié), selon la pratique de gestion de l’emploi de l’entreprise, selon le statut du salarié dans l’entreprise, selon la nature du contrat qui lie le salarié à son employeur, selon les caractéristiques du territoire dans lequel s’exerce le travail. Ce regard en profondeur de l’aménagement du temps de travail est un lieu de recherche de nouvelles formes de domination et d’inégalités.

  • Une première piste de recherche se donne pour objectif de comprendre et de décliner les conditions propices à l’implication des salariés au travail : quels sont les modes d’organisation du travail qui produisent de l’engagement ou du désengagement de la part des salariés ? Sont-ils identiques selon le genre ? Comment s’expliquent le présentéisme et l’absentéisme en entreprise ? Quelles pratiques d’entreprise favorisent la stabilité ou la mobilité (volontaire ou non) des salariés ? Hommes et femmes manifestent-ils des comportements réellement différents ? Quels modes d’organisation du travail favorisent l’égalité entre hommes et femmes ? Les cadres théoriques multiples de l’économie du travail, de l’économie des ressources humaines et de la sociologie de l’emploi sont ici mobilisés pour analyser les différents modes de gestion de la main-d’œuvre et leurs effets. 

Au-delà les interrogations portent sur les déterminants, notamment dans le cas des emplois considérés comme peu ou non qualifiés, des conditions de travail et de la qualité des emplois. Comment mesurer ces dernières ? Quelles sont les caractéristiques des salariés ou des employeurs qui les influencent le plus ? Enfin, il s’agit de comprendre les interactions entre conditions de travail et satisfaction au travail.

  • Une seconde piste s’intéresse aux conditions de production de la formation, de la qualification et des compétences chez les jeunes et chez les travailleurs en emploi. La prise en charge ou non de la formation par les entreprises questionne leurs pratiques pour stabiliser ou « sécuriser » leurs salariés. De leur côté, les organisations, et en particulier les institutions publiques, sont aujourd'hui de plus en plus parties prenantes des dispositifs de professionnalisation : soit parce qu'elles-mêmes se professionnalisent ; soit parce qu'elles attendent des individus davantage de professionnalisme et de savoirs d'expertise. Dès lors, les organisations jouent un rôle important dans les dispositifs de formation, de (re)formation et elles viennent en ce sens directement interpeller les individus. Elles ont alors une incidence sur leur parcours et sur leur trajectoire. De ce point de vue, la dimension territoriale est également à prendre en compte. C'est le cas des institutions de formation (les écoles d'enseignement supérieur par exemple) qui peuvent stratégiquement chercher à s'ancrer sur des aires géographiques différentes (métropole, région, pays, international) en fonction de leurs publics cibles et des finalités de formation. Ici, l’expertise du Céreq, sur la relation formation-emploi, entretient et stimule des questionnements sur l’insertion des jeunes sur le marché du travail et sur le début de carrière. Dans ce sens, la question sera de comprendre comment se bâtissent les compétences tant comme résultats de l’activité de formation (alternante ou non) que comme composante de l’activité professionnelle.
  • Enfin, une troisième piste appréhende les groupes professionnels à travers leurs réseaux de concurrence et de coopération éclairant ainsi les diverses formes de segmentation à l’œuvre au sein de ces mondes professionnels. Une telle perspective permettra de confronter les dynamiques à l’œuvre dans de nombreux secteurs d’activité – la santé, le sport, la culture, l’industrie, les services, le nettoyage, le petit commerce et l’artisanat, le travail social, etc. – en examinant, à la fois, la manière dont les univers professionnels et les catégories d’acteurs interagissent entre eux, et les liens que ceux-ci entretiennent avec l’État. Partant d’une mobilisation et d’une confrontation de différents courants de recherche (l’analyse néo-structurale, la sociologie interactionniste, la sociologie des professions, etc.), l’objectif sera d’analyser les effets de ces dynamiques sur les activités professionnelles, sur les politiques publiques sous-jacentes et sur l’émergence, voire la structuration de groupes professionnels. Ainsi les professions de l’intervention sociale, de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, de la sphère médicale ou paramédicale constitueront un terrain propice à l’étude des changements professionnels. Les évolutions en matière d’organisation des soins sont particulièrement révélatrices des dynamiques de coordination et de coopération mais aussi de concurrence qui traversent les sphères du travail social, de l’activité médicale.

Si les incursions de la vie personnelle dans le travail sont encadrées par les employeurs (privés et publics), les compétences personnelles construites par la socialisation primaire et les expériences de vie de l’individu sont maintes fois sollicitées dans la vie professionnelle.

L’analyse des mondes privés nécessitera que l’on examine les modalités d’adaptation des familles face aux transformations sociales, aux crises économiques, aux migrations et aux mutations du monde du travail. Ces recherches conjuguent les différentes méthodologies développées dans le laboratoire et mobilisent en particulier les outils de l’analyse sociologique, ethnologique et démographique. Trois déclinaisons thématiques se dégagent :

  • Les institutions et les politiques publiques façonnent les familles. Elles contribuent à définir, de manière formelle et informelle, des rôles sociaux de parenté et des rapports intergénérationnels. Les professions du travail social, de la santé, de l’aide à domicile ou des services à la personne interviennent sur la vie familiale, son organisation, ses croyances, ses modalités d’entraide et de transmission. L’étude des relations entre les familles et les institutions sanitaires, sociales et éducatives se fait au travers de l’analyse de leurs interventions que ce soit en termes de transferts de l’activité de ces institutions vers les familles, de l’intervention des institutions pour protéger l’un des membres de la famille, ou encore de leur absence d’intervention au profit du monde associatif. Ainsi, par exemple, l’étude des conditions de vie de jeunes à la fin et après le placement tient compte de sa trajectoire passée dans et en dehors des prises en charge, elle permet d’appréhender les effets de l’intervention publique sur le devenir de jeunes adultes en termes de scolarité, de socialisation et d’insertion professionnelle.
  • Les familles sont pensées comme inventant des pratiques quotidiennes dans les interstices des institutions, comme autant de pistes d’organisation propres ou de résistance. Elles ne sont pas uniquement vues comme le support des politiques publiques et des interventions sociales. Il ne s’agit donc pas seulement de rendre compte de formes renouvelées de police des familles, mais également de nous attacher à analyser les pratiques quotidiennes mises en œuvre au sein des familles, lesquelles s’exercent certes sous contrainte institutionnelle et sont catégorisées par les politiques sociales, mais peuvent aussi déployer des perspectives propres dès lors que des marges de manœuvres sont perçues entre les différentes institutions. Ainsi, en situation migratoire, la famille est le lieu d’observation privilégié de l’acculturation. Dans cet espace de socialisation primaire, se vivent les tensions entre pratiques éducatives issues de la culture d’origine et contraintes imposées tant par les conditions matérielles de vie quotidienne que par les normes de la société d’accueil. Tout en ne gommant pas les enseignements du passé, une approche qui intègre des nouveaux traits de la socialisation des migrants permet de mieux appréhender l’étude du changement social, les nouvelles stratégies des immigrés en lien avec les mutations économiques, sociales, culturelles et politiques de la société d’accueil. Les processus de socialisation familiale sont considérés comme étant en interaction avec les espaces temps pluriels, avec lesquels les émigrés-immigrés et leurs descendants composent, provoquent concurrence, juxtaposition ou synergie entre agents et lieux de socialisation. Ce contexte nouveau impose aux parents de reconsidérer le statut de l’enfant, les relations intergénérationnelles et de genre. Leurs pratiques éducatives s’exercent dans l’intimité contrainte par le regard des professionnels des champs sanitaire, social et éducatif, celui de leurs compatriotes immigrés et celui de la famille éloignée mais toujours présente grâce aux moyens de communication. Sur un territoire donné, les relations familiales sont autant de ressources localisées et entrent dans la composition d’un capital d’autochtonie qui éclaire les trajectoires résidentielles et professionnelles des individus et des ménages. La prise en compte des enjeux familiaux et conjugaux des parcours professionnels et résidentiels renouvelle ainsi les analyses des transformations du marché du travail et de l’emploi ou du logement, notamment chez les ouvriers dans les pays ou les régions où le secteur industriel (textile, mécanique, minier, métallurgique) s’est effondré.
  • L’analyse des dynamiques propres aux mondes privés nécessitera également de privilégier l’étude des processus de socialisation  et d’analyser leurs effets sur les pratiques corporelles, la sexualité, la santé et les parcours de formation des individus. Une attention particulière est portée aux retombées des politiques sanitaires et éducatives. L’attention portée aux processus de socialisation permet de comprendre comment se construisent certaines dispositions ou, au contraire, la manière dont se renforcent les inégalités, en lien avec les politiques éducatives et en amont de l’insertion professionnelle. Ainsi en va-t-il, par exemple, des choix d’orientation et d’accès à la formation dont il convient de pointer la dimension collective et, notamment familiale, ainsi que les ressorts sociaux et sexués. L’étude de l’impact de la famille sur les choix d’orientation vers l’apprentissage est l’une des thématiques du Céreq pour les années à venir qui s’inscrit dans cette perspective. En effet, les modes d’intégration des jeunes nécessitent également de se référer à leur filiation et à tout ce qu’elle implique en termes de transmissions intergénérationnelles. Il importe donc de s’intéresser aux sens, significations et enjeux de ces transmissions familiales, en rapport avec les modalités d’insertion et d’accès à l’autonomie. Comment se créent, se gèrent et se transforment  les valeurs et les significations accordées, à l'école, au travail… L’hétérogénéité des orientations et l’inégalité repérée quant aux formes de l’insertion professionnelle ne peuvent en effet être comprises sans tenir compte de ce qui se joue en termes de socialisation familiale et scolaire, selon les contextes socioéconomiques d’origine. Une attention particulière sera également accordée aux parcours scolaires de réussite et aux conditions familiales les rendant possibles pour comprendre en quoi et comment les contenus et modalités des transmissions et transgressions intergénérationnelles participent au processus de « déplacement social ».

L’analyse des mondes privés et des mondes du travail suppose de prendre à bras le corps la question de l’articulation entre travail et hors travail, ce dernier étant compris d’abord comme le domaine familial et par extension comme les cercles du proche et de l’intime.

On s’intéresse donc aux croisements entre divers objets, dans plusieurs directions, avec au moins deux articulations repérables au stade actuel.

Soulignons tout d’abord l’articulation entre les phénomènes d’interconnaissance locale et les activités de travail. Ainsi, l’attention portera sur les effets de l’activité de divers professionnels (enseignants, travailleurs sociaux, médecins, etc.) auprès de publics captifs ou ancrés localement, sur leur résonance avec les stratégies résidentielles des habitants, leurs mobilisations collectives, leurs pratiques quotidiennes (qu’elles touchent la santé, l’éducation, l’alimentation, l’habitat, etc.). Elle pourra encore s’attacher au tissage des réseaux locaux d’interconnaissance entre professionnels, de même que les mécanismes de réflexivité, d’engagement et de représentation qui y sont en jeu de part et d’autre. Des activités traditionnellement cantonnées au monde privé (care, bricolage, etc.) seront également analysées comme du travail d’autant mieux que certaines deviennent en elles-mêmes des activités rémunératrices et vécues comme des activités professionnelles, dans un cadre déclaré ou non (aide à domicile, menues réparations, travaux de couture…). Seront ainsi prises en compte les nouvelles formes de « privatisation » ou de marchandisation du travail domestique, assurées souvent par des femmes issues des classes populaires et/ou de l’immigration. En outre, celles-ci interviennent très directement dans l’espace privé de ceux qui y ont recours. Enfin, les évolutions du travail salarié (désindustrialisation, individualisation, injonctions à la mobilité…) et la prégnance du chômage dans certains territoires permettent d’observer la façon dont les pratiques quotidiennes familiales et de voisinage s’organisent, évoluent et s’articulent, pour accéder aux ressources essentielles.

De plus, mais de façon parfois emboitée avec la précédente, on peut distinguer un axe d’interrogation sur les effets du travail, salarié ou indépendant, sur l’espace privé de ceux et celles qui travaillent, et de leurs familles, et sur les effets des mondes privés sur la vie au travail et le rapport au travail, voire sur les compétences dans le cas des métiers relationnels. Les effets de l’organisation du travail et des politiques d’entreprise – ou, plus largement, organisationnelles – sur la vie personnelle, conjugale et familiale (gestion du temps, gestion du corps, mobilité, division sexuelle du travail domestique) occuperont une place essentielle, tout comme les effets des restructurations et de la privation d’emploi. La question de la structuration des marchés du travail local sur les configurations familiales, sur la vie quotidienne, sur l’accès au travail fera partie intégrante de l’analyse tout comme celle des liens entre monde privé et rapport au travail.

La diffusion d’organisations du travail flexibles multiplie les contraintes temporelles au travail alors que de nombreux salariés ayant des contraintes familiales sont présents sur le marché du travail. Les difficultés de conciliation qui s’ensuivent peuvent conduire à l’apparition de formes de désengagement. Le rôle des difficultés d’articulation du temps et des horaires de travail avec les responsabilités familiales a été peu étudié en tant que facteur explicatif de ces comportements de désengagement. Une autre dimension, plus interindividuelle et intersubjective, se lit dans le lien entre les carrières matrimoniales et les carrières professionnelles, les ajustements « genrés » entre contraintes domestiques et contraintes du travail, entre care et construction de soi, entre temps de travail et temps de loisir. Le rapport entre sphère privée et vie sociale ouvre alors sur les sens de l’intime, l’expression des subjectivités et sur la gestion de son corps. Enfin, les frontières non étanches entre les mondes sociaux sont aussi redessinées par des innovations sociales ou technologiques. Ainsi, les nouvelles technologies remettent en cause la séparation entre temps de travail et temps de loisirs. Téléphone portable et courrier électronique sont utilisés par les employeurs pour organiser le travail et font ainsi irruption dans la vie privée, tout en étant symétriquement l’objet de réglementation pour leur usage personnel dans le cadre professionnel. La frontière entre vie au travail et vie personnelle est affaiblie par ces nouvelles technologies qui suscitent d’autres manières de produire (logiciel libre) et de travailler (télétravail, travail en réseau).