Soutenance de Thèse en Sciences économiques de Adèle Sebert
Soutenance de thèse AutresQualifications et prises en charge de la précarité énergétique .Une analyse économique institutionnaliste
Cette thèse porte sur les difficultés de certains ménages à accéder à l’énergie. Tantôt dénommées « précarité énergétique », tantôt « pauvreté énergétique », ces difficultés d’accès à l’énergie se laissent difficilement saisir par un seul terme. La co-existence de plusieurs termes fait écho à la diversité des thématiques auxquelles l’accès à l’énergie renvoie, en particulier celle de la justice sociale et des inégalités environnementales. S’agit-il de désigner par « accès à l’énergie » une question purement technique en lien avec les activités de production, distribution et fourniture ? Mais dans ce cas, comment interpréter le déploiement d’une action publique ne portant pas seulement sur ces activités ? Que penser de la notion de précarité énergétique, actuellement mobilisée en France pour désigner une partie de l’action publique ? La précarité énergétique est définie en France depuis loi Grenelle II de 2010 comme une situation dans laquelle une personne ne parvient pas « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Elle s’enracine dans un ensemble institutionnel plus ancien qui se structure dans les années 1970-1980 et qui est l’un des symptômes du passage du capitalisme fordiste au capitalisme néolibéral. La précarité énergétique est-elle une catégorie particulière d’action sociale ou une nouvelle catégorie au croisement des questions sociale et écologique ? Cette thèse interroge les processus par lesquels les difficultés d’accès à l’énergie des ménages sont « mis en problème » sur les plans social et écologique. En nous appuyant sur la littérature académique, professionnelle et législative, nous montrons dans un premier temps que recourir à la précarité énergétique comme catégorie d’action publique constitue une façon de matérialiser une réponse collective à certaines difficultés d’accès à l’énergie pour les ménages. Elle est cependant insuffisante pour comprendre l’organisation de l’action collective. En effet, elle renvoie soit à une collection de dispositifs dans plusieurs catégories d’actions (fourniture d’énergie ; accès aux droits et lutte contre l’exclusion ; rénovation du logement), soit à une situation de risque définie de manière incomplète. Nous proposons d’enrichir la notion de précarité énergétique avec celle de vulnérabilité afin de penser les situations des ménages avec des difficultés d’accès à l’énergie comme un continuum à partir duquel les risques sont évalués et les situations qualifiées de « précarité énergétique ». Nous nous appuyons sur les travaux d’Olivier Godard et de Robert Salais, pour comprendre d’une part les liens entre les formes de coordination pour définir et prendre en charge un problème social et environnemental, et pour exprimer d’autre part l’articulation des différents acteurs institutionnels et économiques. À partir de l’analyse des conditions énergétiques et financières d’existence des ménages, opérée avec les outils de la statistique sur l’enquête Statistiques Ressources et Conditions de Vie (2017), nous montrons qu’il existe des formes d’insécurité pour les ménages, insécurités (re)qualifiées sur le plan institutionnel. Cette pluralité des situations institutionnelles des ménages est examinée à partir de l’analyse d’entretiens semi-directifs réalisés auprès d’acteurs institutionnels et économiques se réclamant de la « lutte contre la précarité énergétique ». Nous montrons qu’il existe deux formes de coordination à partir desquelles les acteurs institutionnels et économiques évaluent les difficultés d’accès à l’énergie des ménages, se distribuent les ménages qu’ils qualifient de « précaires énergétiques » et organisent leurs activités économiques. Les logiques de ces deux formes reposent sur un compromis marchand-civique fondé sur la figure du consommateur solvable et sur un compromis industriel-civique fondé sur la figure du consommateur responsable.
Le jury sera composé de :
- Nathalie Lazaric, Directrice de recherche au CNRS à l’Université Côte d’Azur, rapportrice
- Franck-Dominique Vivien, Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, rapporteur
- Nicolas Postel, Professeur à l’Université de Lille
- Patrick Jolivet, Directeur des études socio-économiques à l’Ademe
- Florence Jany-Catrice Professeure à l’Université de Lille, directrice
- Benoît Lallau, Co-directeur, Maître de conférences HDR à Sciences-Po Lille, directeur
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