Séminaire « le terrain et ses épreuves »

Chercheurs sous surveillance : tirer les leçons des méandres d'une recherche sous haute tension 

Cette séance sera consacrée à l’analyse des défis méthodologiques spécifiques posés par la surveillance des chercheurs sur un terrain sous haute tension sécuritaire, politique et médiatique, à travers une étude de cas archétypale : l’ethnographie de « quartiers d’évaluation de la radicalisation » (QER) dans les prisons françaises. Nous présenterons d'abord le contexte de négociation de la convention de recherche avec la direction de l’administration pénitentiaire, menée en 2017, dans un climat de panique politique et de crainte des attaques terroristes. Nous décrirons ensuite la manière dont nous avons fait l’objet d’une surveillance et d’un contrôle intenses à l’intérieur de la prison, au-delà des pratiques usuelles en la matière dans un cadre pénitentiaire. Enfin, nous montrerons que cette surveillance, contre tout attente, s’est étendue à l’extérieur de la prison – lorsque, par exemple, nous avons été suivis dans la rue, ou lorsque nos téléphones ont été épiés. Entre protection et contrôle, cette surveillance protéiforme, particulièrement stressante, ne constitue pas un simple élément de contexte de l'étude ; elle en fait partie intégrante, et son analyse éclaire des dimensions essentielles du fonctionnement de l’institution. Au-delà de ce cas – extrême à bien des égards – ce retour réflexif permettra de s'interroger plus généralement sur la surveillance des chercheur.es par certains membres  des institutions qu’ils observent, et les différentes ficelles et tactiques pour y faire face. En ce sens, cette réflexion s’adresse à l’ensemble des doctorant.es qui font l’objet – ou ont l’impression de faire l’objet – de telles pratiques de surveillance et de contrôle, fussent-elles sous des formes plus diffuses ou moins caricaturales. 

Intervenants : Gilles Chantraine et David Scheer (Université catholique de Louvain)

Organisation : Gilles Chantraine, Kevin Diter, Daria Sobocinska