Soutenance de HDR de Fabien Eloire
Soutenance de HDRLa financiarisation de l'économie française dans les années 1980. Sociogenèse d'une réforme libérale
La recherche porte sur les réformes de libéralisation financière menées entre 1984 et 1986, sous le mandat de Pierre Bérégovoy, ministre de l’économie et des finances. Cette période inaugure des changements de grande ampleur en matière économique, au point que les réformateurs eux-mêmes parlent de leur action comme d’une « révolution financière » et en dressent le bilan dans le Livre Blanc sur la réforme du financement de l’économie. Ce document montre la variété des domaines concernés par les réformes : marché des capitaux, Bourse de Paris, politique monétaire, mécanismes de crédit bancaire, etc. Une cohérence d’ensemble se dégage cependant, à savoir aller vers toujours plus de concurrence et moins de règlements afin de créer, comme l’écrit le ministre dans sa préface, « une économie de liberté » débarrassée du corporatisme professionnel et du dirigisme de l’État.
L’étude s’inscrit dans le courant de la sociologie économique. Elle propose d’une part une réflexion sur la sociogenèse des institutions économiques, et notamment des marchés en montrant comment ceux-ci sont façonnés par les administrations de l’État (Trésor, Banque de France, cabinets ministériels, etc.). D’autre part, elle s’intéresse aux réformes financières sous l’angle d’un processus d’apprentissage collectif. De fait, en introduisant de nouveaux instruments financiers, une nouvelle régulation monétaire, en modernisant la Bourse, en décloisonnant les marchés de capitaux et du crédit, elles produisent un nouveau mode de régulation de l’économie auquel les acteurs publics et privés doivent s’adapter.
Le travail d’enquête s’appuie sur un corpus d’archives de la Direction du Trésor composé de notes d’administration (n=271), mais aussi sur des ouvrages de littérature grise, des articles académiques publiés durant la période, des récits et témoignages grand public, et sur une étude des caractéristiques sociales des réformateurs (à partir du Bottin administratif, du Who’s Who, du site lesbiographies.com). La population comprend notamment des dirigeants politiques, des conseillers membres de cabinets du gouvernement et des hauts fonctionnaires. Différentes méthodologies sont utilisées pour étudier et articuler ces données : analyse de contenu, analyse thématique, analyse des correspondances, analyse de réseaux sociaux.
Le manuscrit se structure en quatre chapitres. Le premier s’attache à décrire le contenu des réformes financières et le mouvement de déréglementation qui en constitue la matrice. Le deuxième chapitre présente l’espace social formé par les acteurs des réformes et analyse leur travail réformateur sous l’angle d’un processus d’apprentissage bureaucratique. Le troisième chapitre étudie les justifications des acteurs et montre comment les savoirs économiques (efficacité de la concurrence et des mécanismes de marché) contribuent à façonner les nouveaux dispositifs financiers. Le quatrième chapitre souligne le poids du discours de la « modernisation » de l’économie à la fois dans la réorientation de la politique monétaire par le gouvernement et dans les débats pour l’adoption des lois financières à l’Assemblée nationale. La conclusion fait le point sur le rôle du Parti socialiste et des administrations de l’État dans l’enclenchement des phénomènes caractéristiques des décennies à venir, financiarisation et mondialisation de l’économie des années 1990 et 2000.
Le jury est composé de
- Sylvain Laurens, Directeur d’études de l’EHESS et garant de cette HDR
- Valérie Boussard, Professeure des universités en sociologie, Paris Nanterre
- Eve Chiapello, Directrice d’études de l’EHESS (rapportrice)
- François Denord, Directeur de recherches CNRS (rapporteur)
- Delphine Dulong, Professeure des universités en science politique, Paris 1 (rapportrice)
Pour assister à la soutenance en présentiel (places limitées) ou en distanciel, merci d’écrire à fabien.eloire[at]univ-lille.fr
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