Soutenance de HDR en économie de Delphine Pouchain
Soutenance de HDRJustice-vertus-bonheur : quelle éthique pour l’économie dans l’Anthropocène ? Jalons vers un perfectionnisme économique
Ce mémoire d’habilitation à diriger des recherches revient d’abord sur les liens entre éthique et économie, afin de montrer que l’économie dominante ne s’est pas coupée de l‘éthique mais qu’elle est ancrée dans l’éthique utilitariste, ce qui l’a menée à se désintéresser totalement de l’éthique des vertus. Ce processus, souvent présenté comme une déséthicisation de l’économie, s’apparente donc plus exactement à une méséthicisation, ayant elle-même mené à une dénaturation de l’économie puisque sa véritable nature a été perdue. Ce même processus l’a conduite à délaisser totalement les notions de prix juste et de luxe, notions qui me semblent centrales dans le contexte des crises sociales (montée des inégalités) et environnementales actuelles, et que l’éthique des vertus permet de réexaminer. Ce contexte des « crises jumelles » (comme le nomme l’économiste Eloi Laurent) invite à se reposer la question de la justice dans l’échange (via une réflexion sur le prix juste et une discussion des théories de la justice) ainsi que la question de la consommation et de la consommation excessive (via une réflexion sur le luxe). Penser le prix juste et le luxe est à la fois nécessaire et d’autant plus pertinent que l’on place la réflexion sous la perspective de l’éthique des vertus (vertu de justice dans l’échange, vertu de modération dans la consommation). Toujours dans l’idée de montrer ce que l’économie a perdu en se coupant de l’éthique des vertus, je cherche ensuite à expliquer que l’éthique environnementale est d’autant plus intéressante qu'elle prend la forme d’une éthique des vertus environnementales. J’essaie de réfléchir aux liens entre cette dernière et l’économie afin de penser les conditions de leur réconciliation. Enfin, une dernière partie ouvre sur les questions relatives au limitarianisme, et sur une discussion quant à la possibilité d’être un agent économique heureux (au sens d’un bonheur eudémoniste et non hédoniste) dans le contexte de l’anthropocène. Ce contexte est propice à une réactualisation des réflexions autour de la vie bonne et de l’éducation de l’agent économique.
Une réflexion inscrite dans la philosophie économique permet donc de mettre en évidence la possibilité d’une économie éthique et d’une écologie joyeuse, et la possibilité d’entretenir l’espoir dans un contexte éminemment anxiogène. En résumé, nous esquissons une éthique des vertus pertinente pour l’Anthropocène, et qui peut convaincre à la fois l’économiste et l’agent économique : l’éthique des vertus environnementales doit plus exactement être une éthique des vertus écologiques, porteuse de sens et non d’efficacité, dans une conception aristotélicienne d’une économie pensée comme économie éthique, préservant une nature nécessaire à l’épanouissement humain au sens d’eudemonia.
Le jury sera composé de :
- Elodie Bertrand, Chargée de recherche, CNRS, rapporteur
- Herrade Igersheim, Directrice de recherche, Université de Strasbourg
- Patrick Mardellat, Professeur d'université, Sciences po Lille, garant
- Virginie Maris, Directrice de recherche, CNRS – CEFE, rapporteur
- Emmanuel Petit, Professeur d'université, Université de Bordeaux, rapporteur
- Richard Sobel, Professeur d'université, Université de Lille