Soutenance de HDR en socio-économie d'Arthur Jatteau
Soutenance de HDRL’interdisciplinarité : tentation et tentatives. Trajectoire et travaux d’un socio-économiste
Ce mémoire d’habilitation est composé de deux chapitres.
Le premier chapitre se veut une tentative réflexive sur mon parcours scolaire, universitaire et militant. Il cherche à montrer comment ce parcours a influencé ma construction intellectuelle et épistémologique, façonnant ainsi mon identité d’enseignant-chercheur autour de deux pôles principaux : l’économie politique et la pluridisciplinarité, qui trouve son point de convergence avec la socio-économie. Je reviens sur ma « rencontre » déterminante avec les sciences économiques et sociales (SES) dans le secondaire, que j’ai souhaité, comme étudiant d’abord puis comme enseignant ensuite, transposer dans le supérieur. Dans la suite, je montre le rôle qu’ont joué, dans ma trajectoire professionnelle et épistémique, mes investissements militants liés à l’enseignement de l’économie dans le supérieur, comme membre périphérique du mouvement étudiant « Autisme-économie », comme membre fondateur d’un autre mouvement étudiant, PEPS-Économie, et enfin comme compagnon de route, puis membre actif, de l’Association Française d’Économie Politique. Dans cette identité professionnelle qui est la mienne, j’insiste sur un aspect important à mes yeux : celui de l’enseignement. Ce dernier n’a jamais constitué à mes yeux une mission annexe, mais bien un élément central. Dans un dernier temps de ce premier chapitre, je propose une réflexion approfondie sur mon positionnement épistémologique, en interrogeant mon attrait pour la pluridisciplinarité au regard des contraintes institutionnelles. J’analyse conjointement les ressorts de la pluridisciplinarité sur le plan des idées d’une part (en discutant notamment des typologies classiques des croisements disciplinaires) et sur le plan institutionnel de l’autre, en revenant par exemple sur le tropisme mono-disciplinaire de l’enseignement supérieur, que j’ai essayé de contrecarrer en cocréant une licence résolument pluridisciplinaire.
Le deuxième chapitre entend proposer un résumé et une mise en perspective de mes recherches. Auteur d’un certain nombre de travaux de natures variées (articles, ouvrages…), de disciplines différentes (économie, sociologie, histoire des sciences, anthropologie) et de méthodes plurielles (tant qualitatives que quantitatives), je n’en propose ici pas simplement une synthèse mais j’en offre un retour réflexif, y compris critique. Mon premier terrain d’investigation – les expérimentations aléatoires – m’a permis d’apporter un certain nombre de résultats. J’ai pu mettre au jour une histoire « pluridisciplinaire » des expérimentations aléatoires, nuancer leur validité interne, montrer l’importance des méthodes mixtes et, enfin, souligner qu’elles pouvaient être vues comme les nouveaux atours du mainstream. Je présente ensuite mes travaux, tous menés collectivement, sur l’enseignement de l’économie. Débutés dès avant ma thèse (puis à côté de celle-ci), je les ai poursuivis jusqu’à aujourd’hui, en élaborant une méthode d’enquête quantitative et exhaustive des licences d’économie en France, offrant des résultats robustes et inédits en la matière. Sur une thématique proche, j’expose ensuite mes résultats en matière de sociologie des économistes, que j’ai débutée en me centrant sur les économistes pratiquant les expérimentations aléatoires, avant d’élargir aux « top » économistes. Je reviens alors sur mon travail de synthèse menée sur les sciences sociales de la quantification, qui constitue un prolongement et une généralisation de mes travaux sur les expérimentations aléatoires. Enfin, je reviens sur mes travaux liés, de diverses manières, aux inégalités, que ce soit par l’intermédiaire de la dette publique ou par celui d’une tentative formelle innovante, avec un article écrit à la première personne racontant de manière fictive la vie d’un (très) riche. Enfin, je présente un projet de recherche, intitulé « politique des petits nombres ». Il s’agit d’une
étude de la quantification dans des organisations « alternatives », ces dernières étant entendues comme entendant penser et agir différemment dans et sur le monde, comme les entreprises auto-gérées, les communautés utopiques, les entreprises à but d’emploi… Dans ces organisations, qu’en est-il de la quantification ? Comment compte-t-on, que compte-t-on ? Il s’agit d’y investiguer l’utilisation des chiffres et leur production, mais aussi leur valeur et leur rôle. Des thématiques spécifiques seront plus particulièrement investiguées : le rapport à l’argent et à la rémunération, le temps de travail, la construction d’indicateurs alternatifs… Des terrains diversifiés sont envisagés afin de vérifier plusieurs hypothèses que je formule.
Le jury sera composé de :
- Isabelle Bruno (Université de Lille), rapporteure.
- Isabelle Guérin (IRD), rapporteure.
- Florence Jany-Catrice (Université de Rouen), co-garante.
- Agnès Labrousse (Sciences-Po Lyon), présidente.
- Dominique Méda (Dauphine), co-garante.
- Albert Ogien (CNRS), membre.
- Nicolas Postel (Université de Lille), membre.
- Geneviève Pruvost (EHESS), rapporteure.