Soutenance de thèse en économie de Sarah Louart

Soutenance de thèse
Bât. SH3, salle B101

Comprendre l’adoption d’une innovation en santé par l’évaluation réaliste - Le cas de l’introduction d’oxymètres de pouls dans les centres de santé primaires de quatre pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Guinée, Mali et Niger)

Les infections respiratoires représentent l’une des principales causes de mortalité infantile dans les pays à faible et moyen revenu, notamment en raison de la difficulté à détecter l'hypoxémie et d’un accès limité à l’oxygène. L'hypoxémie, définie par une saturation anormalement basse de l’oxygène dans le sang, constitue un indicateur clé de gravité et un important prédicteur de mortalité. Cependant, son diagnostic reste difficile sans appareils appropriés comme les oxymètres de pouls (OP). La détection précoce de l’hypoxémie dès le premier niveau de la pyramide sanitaire pourrait faciliter les décisions de transfert vers des structures hospitalières équipées pour offrir des soins tels que l'oxygénothérapie. Pourtant, les OP sont souvent indisponibles à ce niveau. À ce jour, les études sur l’oxymétrie de pouls dans les soins de santé primaires dans les pays à faible ou moyen revenu restent très limitées, et de nombreuses questions sur sa mise en œuvre demeurent sans réponse (Graham et al., 2024). Cette recherche évalue l'introduction des OP lors des consultations de routine pour les enfants de moins de cinq ans dans 202 centres de santé primaires (CSP) de quatre pays d'Afrique de l'Ouest : le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Niger. Nous mobilisons la littérature théorique et empirique sur la diffusion des innovations en santé ainsi qu’une démarche d’évaluation réaliste pour analyser l’adoption individuelle des OP au niveau décentralisé. L’approche d'évaluation réaliste, développée par Pawson et Tilley (1997), se concentre sur la compréhension des mécanismes explicatifs du fonctionnement d’une intervention et sur les contextes spécifiques dans lesquels ils sont déclenchés. Elle permet de comprendre non seulement si l'intervention est efficace, mais également pourquoi, comment et dans quels contextes elle fonctionne. Notre thèse apporte deux contributions principales. La première est la mise en relation de l’approche réaliste, encore peu exploitée par les sciences économiques, avec l’économie politique. Nous abordons ce rapprochement sous deux angles. D’un point de vue ontologique, nous avons mis en évidence les liens entre le réalisme critique (Bhaskar, 1975) et les approches hétérodoxes en économie, en nous appuyant notamment sur les travaux de Lawson (1997). Dans le domaine de l’évaluation de programme, nous avons démontré comment l’évaluation réaliste peut constituer une alternative à la méthode dominante des expérimentations aléatoires. La seconde concerne la production de données probantes sur la mise en œuvre des OP au niveau décentralisé dans des pays à faible revenu. Notre étude repose principalement sur 100 entretiens, réalisés dans 16 CSP des quatre pays, avec les agents de santé responsables des consultations pour les enfants de moins de cinq ans. Une analyse transversale a permis d'identifier des régularités comportementales dans des contextes spécifiques, influençant l’utilisation, puis l’adoption des OP. Deux facteurs clés facilitent l’adoption. D’abord, l'utilisation de l'appareil rassure les agents dans leurs diagnostics et renforce leur confiance dans leurs décisions, surtout dans un contexte où les outils de diagnostic sont rares. Ensuite, l’adoption est favorisée lorsque les agents sont informés des effets positifs de leurs diagnostics sur la santé des patients référés à des structures de niveau supérieur. Néanmoins, l'adoption individuelle des OP peut être compromise par des obstacles structurels et par le manque d'adoption institutionnelle. Cette recherche met en lumière les défis et les facteurs de succès liés à l'introduction de technologies médicales de diagnostic dans des structures de santé décentralisées.

Le jury sera composé de :

  • M. Bruno BOIDIN, Professeur des universités, Université de Lille, CoDirection de thèse
  • Mme Vanessa CASADELLA, Professeur des universités, Université de Picardie Jules Verne, Rapporteur
  • Mme Samira GUENNIF, Professeur des universités, Université Paris 13, Rapporteu
  • M. Valéry RIDDE, Directeur de recherche, Institut de Recherche pour le Développement, CoDirection de thèse
  • M. Adama FAYE, Professeur des universités, Université Cheikh Anta Diop, Examinateur
  • M. Zakaria BELRHITI, Assistant professor, Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé, Examinateur

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