Soutenance de thèse en en Sciences économiques de Laurent Steveny
Soutenance de thèseLiberté, Justice, Décence en Economie Regards croisés de Hayek et Margalit
Hayek est-il réellement un pourfendeur des droits sociaux ? L’individualisme est-il la règle absolue dans la pensée économique de l’auteur autrichien ? Beaucoup de choses sont dites à l’encontre de Hayek à la fois par ses défenseurs et ses détracteurs. Alors certes, Hayek est un farouche défenseur de la liberté individuelle, et cela s’explique en partie par sa critique de la planification, mais aussi par son histoire familiale (il est le cousin de Wittgenstein, et un très bon ami de Popper, tous les deux juifs et donc menacés par le nazisme). Contrairement à ce que nous pouvons parfois lire, Hayek n’est pas antirationaliste, il s’inscrit dans le courant (même si cela est anachronique de le noter ainsi) de la rationalité limitée. Notre travail consista dans un premier temps à recontextualiser la pensée hayékienne et à définir sa conception de la liberté. Il en ressort que chez Hayek, l’économie, loin d’être le lieu de la contrainte et de la nécessité, se trouve être le lieu de l’émancipation et de la liberté. En d’autres termes, la liberté s’expérimente en premier dans le domaine économique et s’étend ensuite aux autres sphères de la vie. Mais la liberté ne peut être la liberté sans un cadre et sans une certaine forme de justice. Hayek est conscient de cela, et loin de l’image d’ultra individualiste qui lui colle à la peau à cause de son opposition à la justice sociale, il déploie une conception de la justice qui tente de trouver un équilibre entre une justice a minima (type Nozick, voire Rothbart), et une justice invasive et potentiellement liberticide (la justice sociale). La critique hayékienne de la justice sociale est légitime, la redistribution excessive, la volonté d’égalitarisme absolu sous-jacent à cette approche de la justice pose de sérieuses questions de liberté individuelle, mais aussi collective. Dans le même temps, ce que propose Hayek, en termes de justice, ne permet pas de débattre avec les théories de la justice que Rawls, Sen, Sandel ou Walzer, car il ne développe pas une théorie de la justice comme les auteurs que nous venons de citer. En outre, il y a parfois des blancs dans sa conception de la justice, non qu’ils soient un problème, mais plutôt une porte ouverte nécessaire pour permettre une adaptation à l’évolution des sociétés. Ces blancs, nous les « remplissons » par le concept de société décente que développa le philosophe Avishaï Margalit dans les années 90. Ce concept n’enferme pas la pensée de Hayek, ni ne la contraint, il lui donne un sens et une pertinence pour l’évaluation des politiques publiques. En outre, ce complément margalien met en évidence la pertinence théorique et pratique de l’approche de Hayek. En croisant les regards de Hayek et de Margalit sur la société, nous mettons en avant qu’il est possible d’avoir une société libérale décente. Les inégalités, stricto sensu, ne sont pas directement le problème, mais ce sont les questions d’honneur et d’humiliation qui sont le cœur du problème de nos démocraties libérales. Dans ce contexte, la complémentarité entre la pensée de l’économiste et du philosophe se trouve être prolifique.
Le jury sera composé de :
- Herrade IGERSHEIM, Directrice de recherche, Université de Strasbourg, Rapportrice
- Philippe LEGE, Professeur des universités, Université Paris 1 Sorbonne, Rapporteur
- Thierry AIMAR, Maître de conférences, Université de Lorraine
- Alexandra HYARD, Maîtresse de conférences, Université de Lille
- Sandye GLORIA, Professeur des universités, Université Côte d'Azur
- Patrick MARDELLAT, Professeur des universités, Sciences Po. Lille, Directeur
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