Soutenance de thèse en sociologie de Klara Babinska
Soutenance de thèseParcours de vie, requalifications des objets et appropriations du travail : une ethnographie d’une structure de réemploi
Fondée sur une démarche inductive et compréhensive, la thèse analyse le dispositif expérimental de lutte contre la pauvreté par mise au travail, Territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD), comme un monde du travail spécifique. À travers l'étude ethnographique d'une Entreprise à but d'emploi créée dans ce cadre, que nous nommons les Ficelles de l'emploi, notre monographie examine les pratiques de travail des populations aux marges de l'emploi, qualifiées d’ "inemployables" par les acteurs de l'action publique.
La recherche s'inscrit dans une approche sociohistorique des politiques de lutte contre la pauvreté en France. À travers une démarche inductive et ethnographique, elle explore les parcours de vie des personnes enquêtées, les salarié·es de la structure investie, en révélant l'importance des territoires traversés et des expériences de mobilité dans la construction de leurs identités et de leurs compétences. La recherche élargit la conception du travail au-delà des cadres institutionnels pour considérer l'imbrication entre emploi formel et activités informelles, en tenant compte des socialisations genrées qui influencent ces pratiques.
L'analyse des parcours adopte une logique processuelle et un prisme transnational, en se concentrant sur une population appartenant aux classes populaires précarisées. L'EBE investie est étudiée comme un lieu de requalification des matières et objets issus du surplus de la société de consommation. L'organisation du travail repose sur la polyvalence et la logique des compétences, lesquelles, contribuent à une flexibilisation du travail et la création d’une forme de management particulière. L'ethnographie fine du travail quotidien révèle l'importance centrale de la circulation des objets, tant formelle qu'informelle, au sein de cette structure de réemploi : sur le site féminin, la requalification des vêtements s'inscrit dans une économie du don liée au care, tandis que sur le site masculin (la recyclerie), les objets offrent des possibilités distinctes de valorisation de soi.
L'atelier de couture se distingue par sa logique de métier et sa hiérarchisation spécifique. L'analyse d'une collaboration avec une marque d'accessoires révèle comment les couturières, d'abord impliquées dans la conception du processus, sont progressivement prises dans un processus de rationalisation du travail qui les relègue à un rôle d'exécutantes.
Cette recherche montre in fine comment ce dispositif d’insertion devient un espace de négociation des identités sociales et professionnelles, où les objets de réemploi constituent des vecteurs de repositionnement social pour des individus dominés sur les plans économique et symbolique.
Le jury sera composé de :
- Blandine DESTREMAU, Directrice de recherche au CNRS, EHESS/IRIS – Rapportrice
- Abdelhafid HAMMOUCHE, Professeur Emérite, Université de Lille – Directeur de thèse
- Marc LORIOL, Directeur de recherche au CNRS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Examinateur
- Véronique MARCHAND, Chargée de recherche CNRS, Université de Lille – Examinatrice
- Mircea VULTUR, Professeur titulaire à l’INRS, Centre urbanisation, Culture, Société – Rapporteur